Depuis un certain temps dans la société camerounaise, on se moque des gens honnêtes et on admire les prévaricateurs et autres faussaires, tant parmi les agents de l’Etat que parmi les hommes d’affaires ayant reçu l’appellation populaire de « feymen », un terme d’argot voulant dire trompeur, flambeur ! On s’est moqué et on continue de se moquer, y compris dans leurs propres villages, de ceux qui, ayant occupé des positions de gestionnaires de crédits, n’en auront tiré ou n’en tirent aucun avantage personnel en enrichissement. Une relative mauvaise pratique de fête au village y a contribué. Des personnes venant de bénéficier d’une nomination à un poste traité comme « juteux » se pressent d’aller faire la fête au village pour respecter un dicton voulant que « quand un enfant du village va à la chasse et attrape un gros gibier, il retourne le partager avec les siens au village » ! Comment ne pas y voir un gros encouragement à chercher à s’enrichir à tout prix ?
On continue de se moquer de ceux qui n’ont pas considéré le poste qu’ils ont occupé comme un « gisement » à exploiter, une source d’enrichissement personnel. On se moque d’eux au sein de leurs familles tout comme dans leurs cercles d’amis. Le phénomène de fonctionnaires multi milliardaires dénoncé depuis 2006 n’a fait que s’étendre, en dépit de l’institution du Tribunal Criminel Spécial. Quand on pense qu’il est arrivé à des enfants auxquels on demandait ce qu’ils voulaient faire comme métier quand ils seront grands, de répondre qu’ils voulaient être des « feymen », comment ne pas voir que le mal est profond et demande d’être attaqué dès le bas âge, c’est-à-dire dès l’école ?
En effet pour ramener les choses de l’envers à l’endroit, il faut s’intéresser à ce qui se passe dès le bas âge à l’école et au collège. Autrefois, au niveau des lycées et collèges, il existait une saine émulation parmi les élèves. Les cérémonies de distribution des prix soutenaient et encourageaient cette saine émulation. Les jeunes gens apprenaient à se mesurer les uns aux autres, dans le cadre de cette société scolaire. Ils savaient se respecter, au vu des résultats que chacun obtenait objectivement, et sans tricherie ni complaisance tribale. Bref, tout au long de l’année scolaire et à la fin de chaque trimestre, les résultats des compositions indiquaient à chacun la place qui était la sienne dans le classement général. Les inscriptions au tableau d’honneur venaient ajouter un puissant stimulant dans cette recherche de l’excellence. Matérialisant cet ordre de mérite, certains enseignants faisaient asseoir les élèves en commençant par le premier, jusqu’au dernier de la classe, des premières tables à celles du fond de la salle. C’était une bonne chose. Les jeunes gens accédaient sans difficulté à la compréhension de la notion de mérite personnel. Plus tard, dans la vie active, ce qui continuait à marquer les uns et les autres, formés à cette éthique, c’était le sens du respect de la valeur des valeureux et du mérite des méritants.
Le redressement de cette échelle des valeurs s’impose et devrait remettre en vigueur à la fois les distributions des prix en fin d’année, les inscriptions au tableau d’honneur ainsi que le respect des méritants dans leur installation en classe.
Pr. E. NJOH MOUELLE
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